jeudi 11 juin 2009

Subhuman (2)

Il s'appelle Jean-Philippe Kerlagnec mais tout le monde l'appelle Kéké. Kéké est fier de ses origines bretonnes, il est fier d'être fier même. Dans un monde un peu trop cosmopolite à son goût, conserver l'héritage des ancêtres et faire briller son blason au miror ça lui plaît. Kéké va tous les ans au festival de Lorient, même une fois pour déconner il s'était déguisé en bigoudène et avait pris des photos.

Kéké avait commencé par vouloir qu'on l'appelle Jean-Phi, mais ça ne collait pas, c'était trop artificiel, du moins à ses oreilles. Et puis ça lui est venu Kéké dans la bouche d'un de ses bons potes vendeur de GPS. Même si ce bon pote n'est pas un simple vendeur car il est importateur et assembleur de GPS. Le bon pote importe, le bon pote accroît la valeur ajoutée, le bon pote pose des stickers UE sur le derrière des ventouses.

C'est lui l'inventeur du Kéké, pour rire au début comme toujours mais ça continue en déferlement mémétique et tout le monde l'appelle désormais Kéké - car même au bout d'un moment la chaîne mémétique se ferme et c'est un automatisme et plus besoin de dire « mais tout le monde m'appelle Kéké » le Kéké en question se poste dans l'évidence même du devoir de l'appeler Kéké.

Kéké a 42 ans et Kéké fume le cigare, en particulier dans les lieux où c'est interdit de fumer, pas vraiment pour la provoc' mais juste pour se donner un style, car Kéké demande toujours si ça ne dérange pas qu'il fume bon d'accord merci.

Kéké possède sa propre entreprise de gardiennage dans la banlieue de Laval, il a trois hommes et douze chiens sous ses ordres et il fait des roulements. Kéké a dans son bureau qui sent le cigare froid et le mobilier en fer un grand organiseur en tableau avec des petites languettes de couleur à mettre dans des trous pour synchroniser l'emploi du temps de son personnel et mesurer sporadiquement qu'il en a fait du chemin le Kéké et qu'il en a des responsabilités.

Car Kéké ne compte pas en rester là et Kéké a un grand projet avec son bon pote le vendeur de GPS. Kéké a acheté un gros lot de combo mini GPS puces à radio fréquence et Kéké pense pouvoir faire un coup marketing et se faire plein d'argent en vendant sa trouvaille taiwanaise comme bon moyen de localiser les enfants à l'école ou les chats dans le jardin.

Kéké pense à tout ce qu'il faut faire comme réserver les encarts pub dans le Courrier de la Mayenne ou encore faire des annonces trash et choc car partout on a peur des pédophiles arabes et ça marche toujours de jouer sur la peur pour vendre des produits qui se vendront comme des petits pains.

Kéké pense à tout ça et se gorge d'espérance sur sa vie qui évolue même s'il glisse sur une plaque de crottin gelé et terminera son avenir écrasé par la belle grosse moto qu'il vient juste de s'offrir.

Dans le fossé.