samedi 27 juin 2009

Fruit de la passion

Je m'appelle François, mais les gens m'appellent Franck. Fondamentalement, personne ne m'a jamais forcé à porter ce surnom débile, mais vous savez, les surnoms, les diminutifs, les pseudonymes, tout ça, ça plaît, ça donne l'impression de contrôler les événements, de donner sa patte à des processus aveugles - je ne vais pas vous faire l'article, vous savez tous de quoi je parle. Bref. D'un point de vue strictement objectif, je pense n'avoir aucun intérêt, même si c'est toujours difficile d'être à la fois l'observateur et le critique, et de raisonner en termes d'intérêt en ce qui concerne les gens, les humains, les individus avec des consciences dont on a toujours du mal à concevoir la qualité dispendieuse.

Il y en a évidemment qui m'aiment pour ce que je suis, comme ma mère par exemple, c'est tellement cliché que c'est vrai. Le concept de mère, c'est évidemment que n'importe quoi sortant d'une mère est automatiquement digne d'affection, d'intérêt et d'amour, c'est le concept même de l'attachement. Il doit évidemment y avoir des tas d'hormones et de processus biochimiques en marche pour tisser ce lien indéfectible entre le pondu et la pondante. Il y en a évidemment qui ne sont pas aussi prévisibles et qui ne ressentent pas cette immédiateté inconditionnelle – dans ces cas là, ça se finit souvent dans un sac plastique.

Néanmoins, je me suis toujours demandé ce qui poussait les gens à se reproduire. Ce n'est pas vraiment que cela me gêne, mais il n'a jamais été question, pour moi, d'un désir irrépressible à s'étouffer s'il n'est pas assouvi. Comme pour ma femme par exemple. Elle s'appelle Clotilde. Le détail n'a peut-être pas d'importance, mais comme pour les surnoms, j'ai remarqué que l'idée de déduire une personnalité à travers un prénom avait son charme parmi les gens. Je me suis donc dit que cela pouvait vous plaire. Clotilde, vous l'aviez peut-être déduit, elle n'a jamais été belle. Même à 17 ans quand je l'ai vue pour la première fois sur le banc du lycée à faire des filaments de chewing-gum entre ses doigts. En fait, je dis ça, mais je n'en sais rien, je brode, vu je ne me souviens pas de cette première rencontre. Je sais bien que moi non-plus, je ne suis pas beau, mais je ne suis pas laid : je suis bof. Du genre à me mettre contre un mur et à disparaître. A la limite la laideur aboutie de Clotilde faisait qu'on me remarquait – mais ce n'est pas le sujet.

J'ai divorcé de Clotilde, je vois mes enfants toutes les deux semaines, mon fils a une tête de hamster et, je le crains, des capacités intellectuelles assez basses, du genre tout juste suffisantes pour rédiger des rapports dans une multinationale agroalimentaire sur l'intérêt prospectif de l'audit en qualité produit. Ma fille ressemble à sa mère, c'est même son portrait craché. Elles sont pour le moment inséparables, jusqu'au jour où elle se détesteront et où ma fille se plaindra de sa première fois dans une cage d'escalier.

Avec ma femme, nous avons divorcé à l'amiable parce que j'en avais marre d'être puceau, je voulais tremper ma bite ailleurs. Mais aujourd'hui, j'avoue avoir toujours préféré me branler.