dimanche 28 juin 2009

Caddie

L'idée m'était venue en visionnant des comptes Flickr au hasard. Les photos standardisées sans le vouloir, les processus inconscients des images qui se succédaient d'un bout à l'autre de la planète, les mêmes visages lisses, les mêmes femmes maquillées, les mêmes bras nus et la posture des amis-étaux ou de la bise-sandwich – c'est selon. Un individu, le plus souvent mâle, entouré de deux femelles serrant fortement leurs bouches en cul de poule sur ses joues. La pose pouvait se moduler au féminin, dans un lesbianisme bon teint de jeune trentenaire en rut, sortage de langue et tête basculée en arrière, cheveux brillants. L'air heureux, théâtralement heureux, du bonheur à fixer sur appareil, à diffuser, à échanger, signe d'une vie sociale fournie, de rencontres socio-sexuelles nombreuses, d'appartenance à la caste sociétalement supérieure des multi-amis.

Rien de plus simple ensuite de les retrouver sur Facebook. Demande d'amitié à faire en femelle si proie mâle, et inverse. Les secondes étant plus regardantes, il fallait privilégier de belles gueules à profil, sans tomber dans le caricatural et sécuriser. Le plus amusant était évidemment de piocher des photos de femmes ou d'hommes seuls dans des comptes Flickr apparemment connus, puisqu'on y retrouvait la cible, qui elle ne s'en souvenait pas. Rien ne rassure plus qu'un visage familier, même s'il nous est impossible de mettre un nom dessus. Ça fonctionnait.

Prise de rendez-vous rapide chez les hommes, plus diluée chez les femmes, le temps d'inspirer confiance dans une discussion via mp. Une fois l'adresse connue, les attendre en bas à l'heure de sortie, et passer au suivant quand trop de témoins à portée. Avec un anesthésiant chevalin, il était tout aussi simple de les transformer en êtres dociles et doux, humides et chauds comme des entrailles de dinde. Une lobotomie transorbitale pour finir de clore un destin.