dimanche 28 juin 2009

Endogame

La technique était simple. Il suffisait de les monter les uns contre les autres.

Avec un peu d’expérience, on acquiert vite la certitude qu’une seule espèce est de loin une fausse hypothèse, ce genre de mensonge autogénéré depuis des lustres, et qui tourne en capilotade dès qu’on y regarde de plus près. Il y avaient ceux qui espéraient gueuler fort et asseoir par là leur domination inversement proportionnelle au fait qu’ils bandaient mou, au fait qu’ils ne bandaient pas, au fait que l’idée même de l’avoir dure engendrait en eux toutes sortes de syndromes de sudation excessive, et de débandade assurée. Il y avait ceux qui, dans leur coin, regardaient les autres du coin de l’œil et qui posaient là, sans trop de difficulté, l’évidence d’être à part. Il y avait ceux qui fouinaient, toujours à la recherche d’indices, toujours un peu plus secrets et un peu plus enfouis ; ceux qui savaient avant les autres et à qui on ne la faisait pas. Il y avait ceux qui, les bras bringuebalants, hochaient la tête et n’en avaient rien à foutre, puisqu’ils étaient là pour faire ce qu’ils avaient à faire.

Au milieu, il les tenait tous. Plus ou moins savamment, et plus ou moins subtilement, il savait qu’un déficit se rééquilibrerait dans un excès tôt ou tard, et que la balance, au bout du compte, allait s’en sortir saine et sauve. Il le fallait en tout cas sinon, il serait bien mal dans la merde et se retrouverait seul. Chose impensable pour un être comme lui qui, dès qu’il tournait des orbites, en retrouvait un autre à distance raisonnable. C’était un genre de mission qu’il s’était donnée là, happer tous ces piaillants et les montrer comme des ours à tours sur eux-mêmes, les exhiber en des places relativement fournies, mais pas trop, histoire de se convaincre d’encore appartenir à l’élite.

Puis arriva le jour où l’arrogance de sa main de maître termina l’illusion. Où le bordel ambiant reprit sa place. Et où il l’eut très profondément dans l’os.