
Tu dirais que l’essence sociale de l’être humain le fait nager quotidiennement dans un océan de petites frustrations nécessairement tolérables au vu du grand projet supérieur de la vie en commun. Évidemment, personne ne dit tout ce qu’il pense à tout le monde, parce que souvent les pensées sont fugaces et changent d’un moment à l’autre, qu’elle seront périmées du moment où elle se mettront en bouche et entraîneront un ballet de conséquences bien extérieur aux pensées préalablement formulées.
Tu dirais que le service du bus, communautarisation du moyen de transport, délai relativement prévisible pour rendez-vous fixé à l’avance et nécessité d’arriver à l’heure, oblige tacitement ses usagers à faire preuve de bon sens et d’une tolérante cordialité à l’égard des autres voyageurs. Je n'ai jamais voulu vivre. Elle te lance ça, comme ça, à la volée, dans le style de celle qui n'a rien dit et que personne n'a entendue. En même temps, au moment des premiers souvenirs, il n'aurait pas été si difficile que cela de te précipiter du haut de ta poussette et d'atterrir sous les roues d'un tracteur.
Regarder à gauche et à droite et oublier de traverser mais guetter les yeux qui se révulsent. Tu pourrais te réfugier derrière l'instinct de survie, toutes ces cellules dont tu ne connais pas le nom mais qui continuent à bouillonner sans demander leur reste.
La sauterelle n'est pas encore tombée à l'eau.