dimanche 8 mars 2009

Subhuman

Elle, c'est Roselyne, avec un « y ». Roselyne elle pourrait venir des Yvelines si elle ne travaillait dans le Val de Marne. Roselyne, elle y vit aussi. Dans un ensemble de pavillons tous les mêmes collés à touche-touche, les pavillons sans âme, les rues piétonnes avec des voitures dessus, parfois ; la banlieue pavillonnaire, la zone 30 et les dos d'âne. Les halls d'entrée qui sont des halls d'immeuble, les rues qui sont des impasses et qui ont des noms de fleur, les bruits de clés le matin et les moteurs qu'on fait chauffer, s'il fait trop froid. Les cris et les bonjours en rond, on est en retard et il faut emmener les enfants à l'école même s'ils n'ont pas terminé de lacer leurs chaussures. Roselyne, ça pourrait être une petite personne, une personne sans prétention dont personne ne devrait se moquer mais plutôt prendre de la graine. Roselyne la vie simple, Roselyne la vie dure, Roselyne le coeur simple, Roselyne la fêlure. Roselyne, elle pourrait aller faire ses courses au supermarché une fois par semaine, toujours le même jour, car c'est celui-là qui va, c'est celui-là qui colle et qu'elle organise en fonction des emplois du temps qu'elle gère - en plus du sien. Roselyne et les migrations pendulaires, Roselyne et les grèves du secteur public, Roselyne et les réunions de parent d'élève, Roselyne et le syndicat des copropriétaires, Roselyne et le contrôle technique.

Roselyne pourrait avoir l'haleine qui sent le yaourt au citron. Roselyne, elle serait honnête et ne demanderait rien. Roselyne, elle aurait épousé un chauve avec trois poils en épi sur la tête et remplirait des grilles de Sudoku. Roselyne, ça lui arriverait quand même d'être agacée et Roselyne aurait alors envie d'écrire des lettres aux administrations concernées. Roselyne, elle pourrait prendre une fois n'est pas coutume les gens à témoin et signer des pétitions.

Mais Roselyne en vrai, elle s'impose, Roselyne elle parle fort, elle gouaille, elle racle. Roselyne c'est la grosse pas belle fière d'elle, Roselyne elle en rajoute. Roselyne elle dit des choses comme « j'avais la tête dans le cul, j'étais black et decker ». Roselyne, elle pense qu'il ne s'agit pas d'être défaitiste, mais d'être prévoyant. Roselyne elle croît, elle se multiplie, Roselyne elle se dédouble et Roselyne me rend malade avec toutes ses maladies. Roselyne compte, calcule, Roselyne elle analyse. Mais Roselyne, des fois, elle a juste besoin de chaleur humaine et elle se ramasse que des chiens écrasés (Roselyne dit « cassos' »). Roselyne, à un moment de sa vie, elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait et c'était un Belge, à Levallois. Roselyne, elle ne connaît pas cette fille mais elle a l'impression qu'avec elle, tout va bien et tout ne va pas bien, Roselyne. Roselyne ne sait pas, il a parlé si vite mais Roselyne pense qu'il s'est acheté la BM. Roselyne risque tout pour le tout, coûte que coûte et quoi qu'il en coûte. Roselyne Olala, Roselyne ce mec il est vraiment sympa. Roselyne, elle n'a pas des habitudes mais des impératifs de vie.

Et le sucre s'appelle Gilbert.