A partir de quand sait-on qu'on ne
verra jamais l'Amazonie ? Les moussons, la Sibérie, le Pôle
Sud ? Quand a-t-on la certitude qu'un trajet sera le dernier ?
Qu'on ne rentrera plus chez, qu'on n'ira plus là ? Que les choses
entendues, les odeurs, les surprises n'auront maintenant aucune
répétition ? Est-il possible de garantir à l'avance et de manière infaillible qu'on n'apercevra plus un sourire, qu'il faut
désormais s'évertuer à se l'imprimer sur la rétine parce c'est
tout ce qui restera ? Les souvenirs, surtout ceux qu'on veut balayer,
surtout les infaisables. Ceux qui résistent, ceux qui se chassent.
Peut-on se faire un tampon, une marque,
cocher une case désormais c'est terminé ?
Est-ce que cela calme, est-ce que cela remédie ? L'anticipation
est-elle utile, profitable ?
Les
gens aiment bien avoir des objets, des tickets, les mettre dans un
coin précis pour ne plus y toucher même s'ils savent que tout est
là. Et puis ça fait beaucoup de drames quand les reliques
disparaissent. Le plus souvent c'est un accident, c'est par hasard :
on oublie un robinet, un mégot, une fenêtre ouverte avec un gros
courant d'air. Pas facile de prévoir, non, toujours pas.
Je
n'ai pas été câblée pour concevoir l’irréversible. Je sens
bien que ça me rend zinzin.