Ils donnent des prénoms rigolos à
leurs premiers-nés, comme une garantie pièces et main-d’œuvre
qui les déroutera du conformisme. Sauf qu'ils se trompent,
évidemment.
Ils mettent plein de couleurs dans
leurs cuisines, ils se vitaminent le quotidien à coup d’œil
soucieux et sévère sur le nuancier. Et s'ils commettaient un
impair ? Ils le feront toujours.
Ils passent et repassent et repassent
encore en revue les différents composants de leurs biscottes.
L'alimentation, c'est le premier des médicaments. Ce que tu mets en
toi – fais attention. Ils crèveront de ces maladies inhérentes à
la volonté de vivre vieux, mais sans en avoir conscience, c'est
l'essentiel.
Ils se payent de mots, ils répètent
et ressassent et piapiatent et caquettent. Il y en aura,
heureusement, toujours un pour vouloir rire plus fort, comme imbu et
gonflé d'une nécessité d'imposer (d'en haut) leur respiration. Le
fou du roi, le rouage, l'amalgame qui les empêchera de partir au
tout-à-l'égout.
Ils ont des existences tellement bien
remplies, gavées, d'injonctions qu'ils se créent pour eux-mêmes,
d'habitudes rythmées qui habillent leur ennui. Le sol saigne sous
leurs chaussures cirées, ils se détournent. Ils n'ont rien vu.
Ils bordent et tapotent, s'huilent les
cheveux de substances magiques, s'observent dans les vitrines et se
remontent le col. Expliquant, tu comprends, que l'idée que se font
les autres de toi est aussi importante que celle que tu as de
toi-même. Ne va pas leur répondre que tu n'en as pas, ils
pourraient te mettre sous verre, des petites épingles dans les bras.
Un matin, alors que l'humidité
ramollira même les pierres, ces siècles qu'il fallait encore
attendre pour voir le monde se transformer en slogan publicitaire se
seront écoulés. On est en
plein dedans.