dimanche 17 octobre 2010

Bis

Tous les soirs, les choucas et les corbeaux se rejoignent pour aller dormir dans les arbres du bois. Ils arrivent par différents groupes de directions différentes, des plus denses des plus petits. Puis ils s'amassent en une grosse nuée – quelques oiseaux se battent parfois en périphérie, puis passent à autre chose, suivent le mouvement. Une nuée qui enfle, rétrécit, se dilate, et tourne sans cesse, comme si elle glissait sur les rebords d'un entonnoir, toujours un peu plus bas mais pas tout de suite. La descente dans l'arbre n'est pas directe, ils tournent, s'énervent, croassent, on dirait qu'ils se font des signes, se disent des choses, prêts pour l'atterrissage désarmement des toboggans.

D'en bas, ils ont l'air bien cons, on se demande : mais pourquoi tant de simagrées, et pourquoi ne vont-ils pas se coucher, c'est qu'il commence à faire froid et il y a encore le dîner à préparer. C'est que nous sommes si différents, si autres, pas comme ça, pas à tournoyer pendant de longues et froides minutes pour faire quelque chose qui aurait pu se régler en quelques secondes – voilà, posez-vous et qu'on n'en parle plus. C'est qu'ils le font tous les soirs en plus, ils ne s'en souviennent pas, cervelle de piaf elle a bien une raison cette expression, nous on aurait déjà su quelle trajectoire était la meilleure, la meilleure façon de ne pas se faire remarquer et comment éviter les prédateurs, nous on aurait même pu construire un pont ; elle sert à ça notre grosse tête. Non, nous ne sommes pas comme ça, nous sommes autres, jamais les mêmes causes ne produisent les mêmes effets, jamais de déjà vu, toujours la marche inéluctable vers un progrès sans fin, du neuf du nouveau du renouveau, toujours apprendre de ses erreurs et en faire des dictons. La bonne blague.

Heureusement un peu plus tard les ailes du dernier retardataire feuleront dans le silence.