vendredi 29 janvier 2010

Étude sur l'identité

A l'époque, j'avais un fil que j'appelais mon chien. Je l'emmenais partout : mon chien mon chien mon chien. C'était juste un fil, que je traînais, une ficelle.

A l'époque, je faisais des soupes d'herbes, des potions magique avec du sable et des orties écrasées. Des cailloux à touiller dans un pot en plastique avec un bâton en bois.

A l'époque, je tapais sur des clous à côté de l'établi, je tordais des vis, je limais des chutes de planches. Je prenais des bouts de colle et je serrais dans l'étau.

A l'époque, je pensais avoir été trouvée dans une poubelle, laissée là par Highlander. La seule façon d'en venir à bout, c'était de me couper la tête.

Je remontais les draps la nuit. Ça je l'ai déjà dit.


samedi 23 janvier 2010

Croûte

Ils étaient des corps vides qui marchaient, des corps vides qui parlaient, des corps vides qui cherchaient des bouteilles vides à remplir. Des cheveux sur de la peau et des organes morts à l'intérieur, ou alors en plastique. Des mouvements réflexes, des phrases toutes faites, des sentences déjà entendues et tout de suite oubliées – et toi quelle est ta formation ?

Avant dix ans, c'est sûr, plus précisément je ne me souviens pas ma mère m'avait emmenée au planétarium. Dans le noir la tête à l'envers, j'avais déjà la peur panique qu'on m'égorge et le cou sensible, le drap remonté jusqu'au nez de peur des loups-garous, et des vampires, car de toutes les manières leurs têtes passaient entre les barreaux de mon lit, c'est mon frère qui me l'avait dit et à l'époque on lui faisait confiance.

La voix morne dans le noir et les naines blanches, l'extinction du soleil, la mort de tout. Sans espoir sans issue, la cage à souris qui avait la taille du monde. En revenant les hurlements qu'on allait tous mourir, ma sœur qui se foutait de ma gueule et cherchait peut-être aussi à me rassurer vu que bien avant je serai déjà morte. Elle me disait ça : « tu sais, ça fera longtemps que tu seras morte », en mangeant la bouche ouverte.

Depuis à intervalles réguliers j'ai le cœur comme entouré de vent.

jeudi 7 janvier 2010

Ferme les yeux et lèche

Oh la la ils s'y mettent tous avec le feu de camp au milieu, les fesses bien calées les unes contre les autres, les coudes pas trop piquants. Ils digèrent faut dire, alors vaut mieux en faire des blagues, avec les rots qui râpent le fond de la gorge. Leurs voix qui sentent le pâté, le pâté mâché dans les bajoues, une sorte de modification génétique et vocale à base de charcuterie. Les narines qui se dilatent, les sourcils qui graissent, le coin des yeux qui plissent et le haut du ventre qui remue.

oh oh oh
ah ah ah

Les clins d'œil en soubassement, parce qu'ils sont par trop serrés pour se la tapoter et signifier leur entre soi qu'on a bien tous compris de quoi il en retournait. Parce qu'eux, ils ne sont pas comme ça, ils n'en n'ont pas de ce genre de problèmes : ni d'argent, ni d'addictions, ni de passades pour leur sucer la bite entre deux contractions. Non, ce n'est pas leur genre, au-dessus de tous à se la détailler, la poutre, qui leur dépasse du canal lacrymal.

C'est qu'il écrivent des livres, vous savez, et remplissent des pages et des pages de conneries pour parler d'un tas de merde, de leurs cheveux qui tombent, de leurs femmes qui les quittent, du temps qui passe. De leurs considérations existentielles entre deux lignes de coke ou deux prises d'anxiolytiques ; de leurs avis sur la marche du monde (dont tout le monde se fout) et sur la mort des idéologies. Et sur d'autres écrivains, aussi, les morts, à qui on aimerait bien ressembler parce que mourir à trente ans, finalement, quelle ultime sérénité. Quand on y pense. Et ils ont tout compris.

C'est qu'ils s'emmerdent, vous savez, parce qu'une bonne guerre ça leur donnerait peut-être l'occasion de se redorer le blason et de se la durcir, et que les choses soient bien claires – qui c'est qui commande, qui c'est ton papa. C'est qui, c'est moi.

oh oh oh
ah ah ah

C'est qu'ils changent l'eau des vases comme la fleuriste leur a dit (la bouche en cœur), avec des sachets de bicarbonate de soude et quelques grains d'aspirine. Dans ce genre de jour où tout est bouché.

Mais ça passera.