Ils doivent avoir les gencives qui piquent du goût du sang à force de le répéter : « le conflit, c'est la vie ». A force de le siffler ils doivent avoir la langue qui transpire, un peu ajourée, un peu tremblante. On joue à se faire peur, on gonfle les marmites et on met des boîtes de côté et des plats qu'ils empilent. On regarde le filament d'alcool bleu qui grimpe, petit à petit à petit, on ne ferme pas les yeux, on ne veut rien manquer.
Ils se frottent les mains et font de la farine. Ça les amuse certainement, et sûrement ça les occupe. En vrai, ils n'ont pas envie de faire de mal aux mouches, ou juste en cachette, ou juste en coup de vent, pour voir comment ça passe. Comme avant quand on broyait sans y toucher les bestioles parce que c'était possible, parce qu'elles rampaient par là, parce qu'il y avait toujours ces picotements dans les dents et de l'électricité dans l'air. La fameuse saveur de l'indéfendable, ça te pose.
Les minuscules bonheurs cachés devant sa bouche en souriant en coin, le regard tragiquement vide. Cette idiotie crasse des joues molles qu'à peine l'entrevue d'une prise de gueule agite, comme deux petits monstres de Frankenstein branchés sur secteur.
On oublie les trottoirs noyés sous les entrailles, les cris se cognant en écho sur les troncs des bouleaux, le souffle froid sur les pierres : plus personne ne l'entend. On oublie tout ça, on oublie, ça sera pour la prochaine.
Ne sois pas si pusillanime.