Des grenouilles bien rangées dans des bidons de formol, sur des étagères en verre. Les peaux épaissies et blanchies, les yeux vitreux, les bras ouverts dans un dernier appel à l'aide. Ils avancent, côte à côte, font balancer leurs mains, soufflent, s'étirent et sautillent. Gonflés d'orgueil comme des chats noyés, si fiers d'être là si tôt, de fêter à leur façon le rallongement des jours, le tiédissement du ciel, les yeux qu'on commence à plisser des matins réchauffés, les odeurs qui explosent et l'herbe qui pousse.
Il faut se motiver oui, sortir de sa tanière, se décrasser les pores et détoxiquer son foie, vivre sainement dans un esprit sain sans être contre un chocolat en terrasse – le fond de l'air est encore frais, elle va garder son manteau.
Ils regardent les nuages et y voient des visages, ils rient s'esclaffent mettent la main devant leurs bouches. Croquent la vie à pleines dents et laissent l'acide aux bêtes, qu'ils écraseront nonchalamment entre deux plaintes de porte. Ils ondulent des joues, rougies, et replacent leurs cheveux derrière leurs oreilles, masque mortuaire d'une vie sexuelle bien mise.
Pour se détendre de n'avoir rien voulu, ils se retrouveront autour de kiosques à journaux, piafferont un feuilletage pour le finir en tube, dans un sac en papier. Ils me regarderont comme un mauvais présage, désolés eux aussi d'en avoir tant manqué.