L'autre jour, je me suis endormie avec des théories sur le cerveau. Il fallait que je me relève, que je les note, que je les empêche de glisser dans l'oubli du sommeil, car je savais très bien que j'allais tout oublier, que ces pensées-là si fugaces et si fortes qui naissent avant de s'endormir, avant que le corps ne se tende une dernière fois dans la peur de tomber, avant que la conscience ne s'enfonce chaude et douce dans l'arrêt des fonctions supérieures, dans la mise en pilotage automatique des organes, poumons et cœur, foie et entrailles, vessie et pousse des ongles, la tête dans l'oreiller, activité cellulaire de l'épiderme, ces pensées-là s'en vont et ne laissent au réveil qu'un souvenir trouble, flou, comme pâtiné sous la pluie, écrasé, épaté, élargi, aux contours incertains. Il y a l'esquisse, rien de bien concret, différentes strates, de différentes fonctions, une idée, rien de bien méchant, mais tout me semblait lumineux et l'urgence de la pente endormie faisait, à tort, sûrement, suspecter des merveilles. Comme les lendemains de cuite à relire ce que tu as écris la veille, dans la fureur des lobes laissés libres. Et puis plus rien, ou puis rien de bien. A faire pfff.
Il faut toujours laisser un verre aux morts.