dimanche 3 février 2013

Pointeuse


Alors tu te demandes qui tu es. Tu te lèves le matin à 7h15 parce qu’il faut que tu prennes ton petit déjeuner à 7h30, ta douche à 7h45 et tu te prépares jusqu’à 8h20, heureusement tu n’habites pas trop loin de ton bureau et en plus tu as le droit d’être un peu en retard, 5 ou 10 min, faut pas exagérer et surtout pas trop recommencer sinon on pourra te faire une remarque ou te regarder de haut car même si tu travailles dans une entreprise qui sait gérer aussi son capital humain, chaque chose est à sa place et tout le monde a besoin de limites (sinon c’est le bordel).

Alors tu te poses des questions. Tu produis et tu consommes, matin midi et soir. Tu forges ton identité, tu as besoin d’exister et le travail te le permet. Tu vis travail, tu penses travail, tu rêves travail, c’est le travail qui t’épanouit car le travail fait que tu t’évades même si le travail parfois te pèse et que tu ne rêves plus tu fais des cauchemars. Tu as peur d’être au chômage car tu sais bien que tu souffrirais d’un grand vide identitaire, tu serais perdu. Tu te dis que tu construis, tu te dis que tu construis ton bien-être, tu dis que tu construis le bien-être de tes enfants, tu aimes que des gens te soient redevables. Tu n’aimes pas souffrir et tu n’aimes pas faire souffrir, souvent tu comprends combien ta productivité sert la collectivité et comment la collectivité définit ta fonctionnalité.

Alors tu as peur du lendemain. Tu n’aimes pas qu’on te remarque et tu n’aimes pas remarquer les autres, tu aimes te fondre dans la masse tu as de la chance cette année la mode c’est le gris tu clopines tu dodelines et tu tintinnabules l’asphalte mouillée ça glisse toujours surtout avec des semelles en crêpe.

Alors tu as tellement à dire. Les choses qu’on entend pas, les choses qu’on ne dit pas, les choses que l’on ne doit pas dire, là tu t’en fous et tu veux juste que ça éclate un bon coup pour pouvoir mieux repartir de plus belle à plus soif. Toute cette violence et tout ce dégoût de l’autre, tout cet individualisme et tout ce matérialisme, toute cette indifférence et toute cette pression.

Ta vie est plutôt conforme à tes rêves de jeunesse.