Il arrive avec sa veste aux tons verdâtres et de très loin lâche comme une sorte de blazer – rigide et les poches droites. Droit dans ses bottes, comme on dit. Sur le haut du crâne, un toupet, ou une sorte de plaque de cheveux en pelouse artificielle, et orange. L'autre le présente, avec ses cils collés, des petites crottes de maquillage ici ou là, une odeur de poudre, d'eau de cologne ambrée, de cotons colorés sur le rebord de la baignoire ; le tout enrubanné dans de la soie mauve et des pointes de chaussures rouges. De sa main elle caresse l'air du haut au milieu de sa silhouette épaisse, fait l'inventaire, c'est le président de la chambre de commerce. La voilà l'étiquette, et les lèvres se lèvent, des deux côtés. Il sourit et gonfle un peu la poitrine à la manière des gorilles qui se la frappent.
Oui, c'est moi : ouba-ouba-ouba.
C'est qu'il y en a plein là, rassemblés, des reluiseurs de statut, des frotte-toi les genoux ça fera de la farine, empilés, engoncés, mis l'un dans l'autre sur une mezzanine trop fragile et qui ne tardera pas à s'effondrer, si ce n'est dans mes rêves. Elle a une voix chaloupée, de fond de gorge, qui fonctionnerait parfaitement dans des pubs pour la brioche : on y sentirait les effluves de four ouvert, les petits matins heureux, les replis de couette des grasses matinées, et les miettes qui ne grattent jamais. Arrondir les angles, comme on dit. Du soleil, j'en veux plus, mais pas trop.
Et puis il fera son entrée, la star des livres d'or, le petit-fils du milliardaire entrepreneur qui s'assoit d'un bon œil sur toute la largeur de l'héritage. Le costume en simili-chasse, certainement des poches de cuir sur les coudes, pour faire dans le gentleman farmer et à te dévisager en pensant bien que, d'un claquement de doigts, il te mettrait dans son lit. C'est à peu près tout ce qu'on lui a appris, ou retenu, qu'un gars de son rang, il peut en bourrer, des kilomètres de cul, même s'il est nain, pas très bien rasé et la poignée de main moite. Ainsi va le monde, comme on dit.
Ils auraient pu se caler dans des gradins, admirer le gratin d'un concours agricole et mettre leurs notes sur un feuillet. Il y a de cela trois-cents ans. Car ce sont toujours les mêmes.