Ca se passe comme ça, en vacances, on invite des amis qui nous réinviteront, des voisins qu'on ne reverra plus et la famille qui sera toujours là ; on passe de bons moments à contempler la fuite du temps tout en n'en ayant, pour une fois, pas grand-chose à foutre. On peut passer des après-midi à surveiller de loin des ribambelles d'enfants à la plage ou à la piscine privée d'une maison louée (c'est plus sûr), on peut aller entre hommes faire des parties de tennis parce que ce n'est pas parce que c'est les vacances qu'on doit se relâcher, au contraire, on prendrait même des bonnes résolutions et de retour à Paris un abonnement au Club Med Gym (qui permettra quelques alibis, ah ah), on peut papoter avec les copines et des margaritas bien fraîches (c'est l'extra), on peut reluquer le maillot de bain triangle de la cousine, camoufler avec bonheur son érection dans son bermuda de bain, et se dire, finalement, que ça a du bon de se faire chier pendant trois semaines ; on peut en faire des brochettes au lard et des nappes à carreaux de tous ces clichés qu'il resterait l'énigme ultime du dîner ; qu'est-ce qu'on fait à bouffer ?
En vacances (d'été), le melon est paradigmatique. Tu peux être un gros beauf, avoir une boule à caravane sur ton break et faire tremper ton San Daniele dans du porto Lidl, tu peux te la péter à soupoudrer ta tranche de poivre et de noix de muscade, comme tu l'as vu faire chez Gaya (même si c'est faux), c'est inexorablement qu'il faut que tu soupèses, que tu examines les rainures, que tu écrases la queue, en haut, que tu renifles, que t'en achètes des cageots ; oh, te fais pas chier, prends des melons.
Face à la pastèque, c'est chiant avec ses pépins et si c'est pas trop sucré ça n'a pas de goût, le melon, c'est le grand réconciliateur des familles estivales, par-delà les sexes, les classes et les races.
Ca plaît à tout le monde, ce n'est pas cher, selon les écoles c'est entrée ou dessert, tu en trouves partout, même les enfants aiment, c'est diététique - le melon. Et c'est facile, surtout, à préparer et ça colle aux mains, et ça attire les guêpes, et c'est ça, les vacances. Merde, on s'en fout, on décompresse, te casse pas on débarrassera, on lâche prise, on envoie des cartes postales, une petite pensée pour ceux qui rament encore au boulot, ou des paysages choisis avec soin sur un présentoir qui grince car, quitte à faire comme tout le monde, au moins ne pas faire comme tous ces glandus qui envoient des cartes blagues à la con.
Et les mouches feront toujours le reste, en espadrilles.