dimanche 14 mars 2010

Sans rancune

En cercle, comme au théâtre – le spectacle autant sur scène que dans la salle. Ceux du haut regardent ceux du bas qui gonflent les poitrails et prennent des airs savants. Ils s'accrochent à leurs bras comme on se rattrape aux branches, elles se calent dans leurs cous, sur leurs poitrines si fermes, rassurantes. Ils sentent leurs parfums, exhibent des pull-overs roses et gris, et des chaussures aux bouts carrés. Ils parlent avec leurs mains, un peu, se tiennent le menton, froncent et plissent, s'éventent en été, ont des regards complices.

Ils n'entendent rien de ce qu'elles disent, ont des poignées viriles, savent ce qu'ils veulent. Ils crient « ça me débecte », et chantent sous leur douche, boivent, font des mélanges. Ils titubent sous les réverbères et ne s'en souviendront pas. Plus tard, elles les attendront, furieuses pour avoir oublié le repas du dimanche, même si ce n'était pas vraiment ça le problème.

Ils sont émus quand la nuit tombe, et se couchent un peu plus tard. Adorent les livres d'écrivains, sont soucieux du temps qu'il fait. Les vagues, l'humus, le cri des mouettes, les épines dans les sandales et la peau qui tire. Elles s'affalent dans des fauteuils et craignent les puces de lit. Font tenir des crayons sous leurs seins, ouvrent la bouche et tirent leurs lèvres en rond. Ils disent s'en foutre, elles savent qu'ils mentent. Leur œil morne quand elles se déshabillent. Car elles n'y croient plus à tout ça et c'est à elles qu'ils tiennent.

Leur vie n'a pas d'odeur et rebondit sans faire de bruit.