mardi 20 octobre 2009

La femme malade

Elle hurle, elle hurle, elle hurle. Elle te bat les oreilles, elle hurle. Les tympans résistent mal, elle hurle, elle risque de te rendre fou comme ces vents de montagne si forts que tu pourrais te reposer dessus. Ouvrir les bras en croix, tourner le dos, détendre tes muscles et profiter du mouvement. Avec un peu d'appréhension, tout de même, au début : si tout s'arrête, tu te retrouverais là, la tête la première et l'équilibre vacillé. Rassure-toi pourtant, le souffle est permanent : elle hurle, elle hurle, elle utilise tous les termes que tu connais trop bien. La nuisibilité en champ lexical, elle hurle à en allumer les radios, à faire se réveiller le goût de sang en bouche. A faire se battre les pieds, en cadence, à détruire les vitrines, à y mettre les formes. La haine, si confortablement tapie dans ses organes cassés.

Depuis sa naissance, la chose est constante et régulière : elle hurle. Le caractère injuste de toute venue au monde ne semble pas allumer ses ampoules, elle hurle à en perdre patience, les yeux éructés, les yeux injectés, elle hurle, elle va et vient, elle hurle, d'une inconstance l'autre. La fureur en étendard, la fureur nourricière, la fureur qui réconforte, la fureur qui passe le temps et fait oublier, si facile, les vicissitudes d'un quotidien trop vrai dans l'absence d'innocence qui à jamais la marque, à jamais la martèle – elle hurle.

Elle hurle et les machettes ne sont pas loin, à fureter les caches des cagibis pour y trouver du grain à moudre, des ventres trop fertiles qu'on moleste, des victimes qu'on débusque – dératiser, purifier, liquider. Et toujours une raison à se mettre sous la dent, ne serait-ce que tous ces malheurs du monde eux aussi sans retour.