samedi 13 février 2010

Le feu - la porte - le trou - la fin


Je perdais du sang noir acre et métallique. La maison vide, chaude et froide. Sans bruit la route gelée. Un peu de gadoue qui vole quand les voitures passent. Mes yeux se fixaient sur le sol, le trottoir et la neige en plaque, ça monte, attention à ne pas glisser. Les maisons en rang d'oignon grises, le ciel livide et les marcheurs étouffés. L'air trop parfait, trop mis en scène, trop là. Dans la grande maison vide, chaude et froide, je regarde mon index et la cicatrice de morsure de perroquet. 

Arrête, ne mets pas ton doigt, reste tranquille, il va te mordre, ne l'emmerde pas, voilà, il t'a mordu.

La trousse de secours dans le coffre de la voiture, le bruit de sable sous les roues, des vieux bandages à l'odeur de camphre. Je perdais du sang noir acre et métallique. De petites quantités collantes, à l'odeur de moisi et de limaille de cuivre. Le fond de la gorge sèche, jamais rassasiée par cette eau vraiment trop froide. 

Ils tournent et ils posent leurs mains, tournent et posent leurs mains, de plus en plus vite et le tournis prend à mesure qu'ils forment un seul cône de tornade humaine, ou semblent le vouloir. Les gestes sont de plus en plus brefs, les passages de plus en plus secs, les semelles de chaussures de plus en plus plates collent avec la neige qui fond. Ils tournent et touchent, tournent et touchent derviches -travail, famille, Charles de Gaulle. L'indépendance de la France, le culte du secret, la fine équipe soudée, très apprécié très respecté très discret très efficace. Une force de la nature, les cadeaux, la culture. Les sentiments rentrés, le bon fond, la franchise - honnête et droit.

Au mur des cadres en bois coloré et des feuilles d'arbres d'argent et d'or. Je perdais du sang noir acre et métallique, l'acidité montant avec le rouge et la fraîcheur irradiant le fond. Compter en cuillères et fourchettes, car ça voulait tout dire. Les codes à brûler ses calculs. A la maison le fauteuil taciturne est bordé de cheveux secs.

Dans la maison vide, chaude et froide, je perdais du sang noir acre et métallique sur son cercueil scellé à la cire cramoisie.